Le pilotage des coûts par la technologie et les méthodes !
ABC – Lean Six Sigma - ERP - Big data ...
La ‘maîtrise des coûts’ … et de la rentabilité : ‘tarte à la crème’, Graal… mais toujours un enjeu majeur, rarement abordé de manière holistique et méthodique malgré les enjeux en termes de gouvernance, compétitivité et risques. Le pilotage est plus curatif que préventif, ce qui ne fait souvent qu’aggraver les choses. Comment expliquer sinon la vague de ‘plans sociaux’ , ‘restructurations’ et autres actions d’ingénierie sociale. Beaucoup de managers s’appuient sur la méthode Coué ou tentent un freinage d’urgence en lançant une chasse effrénée aux ‘gaspis’, elle-même stimulée par une communication incantatoire et hypnotique (du style ‘les petits ruisseaux font les grandes rivières’) qui ambitionne de déclencher les réflexes pavloviens salvateurs.
Imposer à vos managers de 'faire plus avec moins' ne permettra pas d'améliorer, par magie, leur productivité... mais aura généralement comme résultat de les obliger à prendre des engagements qu'ils ne pourront tenir. Certains font appel à des ‘costs killers’ qui obtiennent souvent des résultats probants mais parfois au prix de dégâts collatéraux mal maîtrisés (e.g : perte de talents) : le « freinage d’urgence » peut vous faire déraper…
Même si une embellie économique semble se dessiner, la pression sur les coûts n’est pas prête de se relâcher, avec, en première ligne, les fonctions de support et les fournisseurs. Près d’un tiers des banques du top-25 annoncent des plans de réduction des coûts de 6-7% à l’horizon 2014-2015. Le ‘business model’ du Luxembourg est en mutation. La maîtrise des coûts passe souvent par leur transformation: les ‘business models’ doivent être revisités vers plus de transparence, de simplicité et d’ « agilité ». Vu la complexification des processus, l’imbrication des systèmes, les organisations ‘matricielles’, le rôle polymorphe de l’IT…, appréhender le prix de revient reste un exercice délicat avec en corollaire, des difficultés pour piloter la stratégie, apprécier la rentabilité ou simplement élaborer une offre de prix! Le modèle des coûts n’est pas statique mais se préparer au pire ne peut que vous exposer… à de bonnes surprises !
Tous les sujets esquissés dans cet article sont développés dans le séminaire S1174 du LLC (Chambre des Salariés):
http://www.lifelong-learning.lu/Formation/bb5ed848-473f-4ce9-9156-5b9bb38e97aa/fr
Comment maîtriser les coûts ?
En réconciliant la technologie avec le contrôle de gestion, la comptabilité et les méthodes de modélisation, mesures et reengineering de processus : unification des méthodes, du modèle, du vocabulaire… Comment maîtriser les coûts s’il n’est pas possible de déterminer la relation avec les activités qui les consomment ou les génèrent ? Combien ? Pourquoi ? Pour qui ? La maîtrise des coûts passe par la mise en place de capteurs permettant de mesurer automatiquement le comportement des processus : capacité, maturité, unités d’œuvre, lead time... Bien entendu en essayant de ne pas construire une ‘usine à gaz’ (le défi de la granularité), en capitalisant sur l’existant et sans réinventer la roue. Il y a lieu d’engager simultanément plusieurs types d’actions :
- Traduire si nécessaire la stratégie en objectifs chiffrés, financiers et non-financiers.
- Modéliser l’entreprise. La cartographie des processus et des flux. Aligner l’organisation, la comptabilité, les tableaux de bord… sur ces modèles.
- Mesurer les processus. Charges, capacité, ‘lead time’, ‘maturité’, statistiques.
- Calculer les coûts en sélectionnant la bonne méthode. Coûts standards, Activity Based Costing, pour l’ensemble des charges, y compris l’IT…
- Consolider le S.I : cohérence, normalisation, numérisation des intangibles, ERP, CRM.
- Piloter les coûts. Management cockpit. Activity Based Management. Activity Based Budgeting, Lean Six Sigma.
- Pérenniser ce savoir-faire dans la gouvernance et la culture. Appropriation.
Ceci impliquant de coordonner plusieurs types d’acteurs : l’Exécutif, le Contrôle de gestion (CFO), la DSI, l’Organisation, les OPS, le PMO… Une logique de projets, des investissements, un plan directeur, un Architecte(*)…
Les objectifs du pilotage des coûts : la performance ! (*)
La maîtrise des coûts n’a évidemment pas pour seule vocation de chiffrer un prix de revient, une fois tous les deux ans. Au-delà de leur aptitude à la compréhension des coûts, les solutions doivent permettre d’améliorer les processus, de décider de l’externalisation ou non de certaines fonctions... en offrant les services suivants à tous les niveaux décisionnels:
- Piloter la stratégie, les objectifs de performance, le budget. La flexibilité, la réactivité. Réagir par rapport au gonflement anormal, non-linéaire ou décorrélés de certains frais.
- Orienter la politique commerciale en privilégiant les segments les plus rentables. Permettre de déterminer les prix de la manière la plus fine possible, non seulement en fonction du produit mais également du segment de clientèle (couple client/produit). Donner aux commerciaux une compréhension suffisante des coûts liés à chaque segment et activité, soit un gage de rentabilité et un argumentaire lors de négociations tarifaires.
- Le benchmarking, qui ne sera possible qu’en utilisant un modèle normalisé, à l’exemple de celui développé par le CIGREF en France pour l’IT.
- Apprécier les charges et la valeur créée par toutes les activités: opérations, supports, projets (de tout type).
- « Comprendre » le fonctionnement de l’entreprise : corriger par exemple des anomalies structurelles dans le poids des fonctions de support ou le coût de certains segments, constater que certains coûts indirects doivent être ‘directifiés’... Détecter des effets de ‘subventionnement’ entre produits ou clients.
La nébuleuse des coûts
Les frais généraux recouvrent habituellement entre 200 et 300 postes répartis en 5 grandes familles (investissements, impôts et taxes, opérations, consommables, services) et de multiples gisements qui sont souvent interdépendants:
- Coûts de production.
- Coûts des matières premières et des services achetés ou loués.
- Coûts de structure (armée mexicaine, processus éclatés, responsabilités diluées).
- Coûts de coordination provoquant des épidémies de réunionite.
- Coûts financiers directs et indirects. Le loyer de l’argent.
- Coûts liés à la non-qualité ou à des déficiences organisationnelles.
- Coûts directs et indirects des projets informatiques. TCO.
- Coûts d’opportunité (substitution, renoncement, retards de projets).
- Coûts de distribution (marketing, publicité).
- Déséquilibres entre besoins et ressources (IT, RH…).
Traiter chaque gisement demande d’engager des moyens spécifiques. Une simplification du business model peut être nécessaire pour le débarrasser de clients et/ou de produits ‘toxiques’.
Le discours de la méthode … ABC reloaded
Dans le secteur financier, vu la complexité des processus, la structure des coûts est largement dominée par les coûts indirects. L’approche type ABC devrait donc s’imposer, y compris pour l’IT mais elle ne serait utilisée que par un peu plus de 50% des établissements : situation paradoxale dans la mesure où cette méthode est incontournable :
- Pour déterminer et chiffrer les ‘vrais’ inducteurs de coûts.
- Pour mesurer les différents axes de revenus (produits, segments de clientèle, métier...).
- Pour analyser la performance opérationnelle et détecter les dysfonctionnements.
- Pour piloter l’entreprise selon une vue ‘métier’ plutôt qu’inspirée par l’organigramme.
Les fondements de cette méthode datent des années 80 mais l’Informatique lui a offert une seconde jeunesse, permettant notamment son utilisation par les PME. Sa mise en œuvre, avec l’architecture IT (DB, ERP, mesures de processus) qui la soutient, n’est pas un travail simple ; la prudence recommande le prototypage et le rodage par un déploiement progressif.
Les outils de pilotage des coûts (*)
Pour piloter les coûts, plusieurs types d’outils doivent être mis en place..
- Les outils de modélisation pour fournir l’indispensable ‘cartographie des processus’ et le diagramme des flux. La boîte à outils de Lean Six Sigma.
- La mise en place systématique, dans tous les processus critiques, de sondes automatisées (sortes de ‘tachygraphes’) permettant la mesure de la consommation et allocation des ressources en même temps que la production des statistiques indispensables pour l’analyse comportementale (e.g.: détection d’anomalies de variabilité).
- La comptabilité analytique. Les défis de granularité et stabilité.
- Les méthodes de mesures de coûts. Coûts standards, coût marginal, ABC.
- Les outils de management : ERP, ABM , ABB, le « Management cockpit ».
- Les outils prédictifs intégrant des courbes d’évolution des paramètres macro-économiques.
- Un ‘framework’ permettant de pérenniser et fructifier ce savoir-faire: gouvernance, méthodes (lean six sigma, ABC/ABM/ABB), automatisation des mesures venant alimenter ERP et ABC, outils de management opérationnel, appropriation et greffe génétique dans la culture de l’entreprise...
La mise en place d'un ERP et de l’ABx sont des projets stratégiques qui peuvent s'étaler sur 12 à 24 mois. Ils doivent faire l'objet d'une vision claire et d'une forte implication des clients internes, afin de faciliter l’appropriation par une adoption choisie plutôt que subie.
Réduire les coûts – Quelques pistes (*)
La réduction des coûts opérationnels s’obtient par l’efficience des processus, la simplification, le pilotage des ressources... Les grands leviers :
- « Lean Six Sigma » pour supprimer les activités ne créant pas de valeur, réduire la variabilité, améliorer la performance et la qualité.
- Les économies d’échelles, en retenant qu’elles ne sont pas la panacée universelle puisqu’elles se paient parfois par une perte de flexibilité.
- L’élimination des clients et des produits toxiques.
- ‘Just-in-time’ / ‘Scalability’: équilibre ressources/besoins pour maîtriser les variations conjoncturelles ou les arrivées/départs de ‘gros clients’, éviter la sur- ou sous-capacité, etc. Le « Cloud computing » pour transformer des charges fixes IT (CAPEX) en dépenses d’exploitation (OPEX).
Pour les Banques, l’optimisation des processus est de toute façon indispensable pour se conformer aux exigences réglementaires (Bâle III…).
La réduction des coûts de structure impose l’aplatissement de ladite structure et donc le décapage de certaines couches de l’organigramme. Il faut parfois du courage politique pour supprimer des postes honorifiques ou fusionner des équipes exerçant des activités semblables mais rattachées à des directions différentes.
La réduction des coûts de coordination. La réunionite est symptomatique de déficiences organisationnelles. Un organigramme flou, des responsabilités diluées, des procédures mal définies… vont augmenter les besoins de coordination et concertation. Les responsables n'ont d'autre choix que de se réunir très souvent pour clarifier qui-fait-quoi-quand-comment-où!
Le loyer de l’argent. Les retards de facturation ou d’encaissement, la trésorerie ‘Nostro’…
Information is power … provided it is accurate & standardized & digitalized!
« You can’t manage what you can’t measure ».Les ‘Big data’ sont une arme fatale mais encore faut-il savoir les modéliser, uniformiser, agréger, exploiter (BI)… ‘Big data could be a big investment’ : il ne sert à rien de louer des petabytes (millions de Gigas) dans le cloud si c’est pour y entasser des strates de données aux contours imprécis et parfois redondants. Différents chantiers informatiques devront être lancés pour assainir progressivement le S.I., standardiser, numériser les « intangibles » (le référentiel de compétences, les contrats…), mesurer la qualité, les activités... Réfléchir avant d’agir : avant de développer une telle architecture, il est indispensable d’en définir les objectifs business ainsi que les moyens informatiques et organisationnels à engager. La crédibilité des tableaux de bord et l’efficience du management passe par la qualité des données. La faisabilité d'un modèle ABC est en grande partie liée à la disponibilité des données. Une attention particulière doit être portée à ce point le plus tôt possible dans le cycle du projet. Le ‘lead time’ (temps de défilement) des processus (calcul d’une VNI, montage d’un contrat..) doit être mesuré de manière continue pour détecter toute anomalie liée par exemple au vieillissement des systèmes, à la disponibilité des inputs, à un excès de variabilité…On ne peut pas gérer ce qu’on ne peut mesurer mais on ne peut pas tout mesurer..
Pérenniser – La gouvernance des coûts
Comme pour la qualité, le pilotage des coûts passe par une conscientisation et une greffe dans l’ADN de l’entreprise, sans sombrer dans des débauches administratives ou une inflation de rapports chronophages. Le ‘management cockpit’ doit fournir des informations réellement décisionnelles, sans saturer la ‘bande passante’ des décideurs par des overdoses.
Le succès de la démarche repose également sur une évolution du rôle du Contrôle de Gestion qui ne peut plus se cantonner dans un rôle d’orchestration budgétaire mais devrait ‘surveiller’ tous les vecteurs (pas seulement les vecteurs comptables) qui créent la performance et maîtriser leurs dépendances croisées. Le CG doit être le ‘propriétaire’, le gardien de toutes les méthodes de calcul de coûts, y compris celles portant sur le chiffrage des ressources et projets IT : le CG occupe un poste de sentinelle et d’animateur pour définir les seuils d’alerte, centraliser, consolider, homogénéiser le reporting … pour le redistribuer aux Managers à tous les niveaux requis. A voir s’il dispose de la marge de manœuvre, des outils et ressources pour mener de front toutes ces missions et déclencher les actions d’optimisation: réorganisation, BPR, délocalisation, externalisation, cloud computing, etc.
Banks ability to prepare cost model for tomorrow will differentiate winners from losers. Roland Berger.
(*) Les sujets exposés font l’objet de prestations de conseils et formations assurées par la Sàrl strategic-pilot.com. Voir notamment le séminaire S1174 auprès de la Chambre des Salariés . Réactions et questions : This email address is being protected from spambots. You need JavaScript enabled to view it.